Aminata Diop : De DRH à Entrepreneuse Food
Après une belle carrière de 10 ans dans l’informatique, Aminata Diop ressent un ennui persistant. Elle décide de changer de voie et écoute un appel intérieur : l’envie de cuisiner plus sainement. Touche à tout, multipotentielle dans l’âme, elle crée aussi une marque de condiments culinaires et 2 ans après une agence de conseil spécialisée dans le marketing des ressources humaines. Elle nous raconte son cheminement et donne des conseils à toutes celles, qui voudraient comme elles, sauter le pas de l’entrepreneuriat.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai fait mes études supérieures en France, j’ai d’abord débuté par l’informatique et j’ai décidé de changer de filière pour poursuivre un cursus en marketing.
Très tôt, j’ai commencé à travailler et j’ai eu mes enfants en même temps. Je voulais absolument relever le défi de la maman active qui gravit les échelons en entreprise pour se construire une belle carrière professionnelle. J’adore faire plusieurs choses et mon employeur a su détecter cette particularité chez moi. Il m’a tout de suite confié des responsabilités à la hauteur de mes attentes et j’ai pu évoluer comme je le souhaitais au sein de plusieurs services de l’entreprise. Je menais à bien toutes les missions qui m’étaient confiées et tout naturellement j’ai tout naturellement été promue à un poste de direction.
Avec ma promotion, cela peut paraître insolite, une certaine routine s’est installée. Les défis qui me stimulaient tant au quotidien n’étaient plus les mêmes et j’ai commencé à ressentir de l’ennui. J’avais aussi atteint le plafond de verre. Les horaires de travail devenaient de plus en plus compliqués à concilier avec une vie de famille.
C’est ainsi que la fibre entrepreneuriale a commencé à naître en moi. J’ai énormément appris au sein de l’entreprise dans laquelle j’ai évolué mais j’étouffais petit à petit et je rêvais de nouveaux challenges.
Quel a été le déclic pour passer à entrepreneuriat ?
Tant que j’avais de la liberté, je pouvais m’accommoder de certains désagréments professionnels. Mais avec ma responsabilité de Directrice des Ressources Humaines et Qualité, je ressentais de fortes frustrations et le départ s’est imposé comme une solution vitale pour moi.
En parallèle de mon activité professionnelle, j’avais déjà commencé à développer une petite gamme de condiments haut de gamme. Je ne suis pas la meilleure cuisinière mais j’ai créé des sauces, qui s’inspirent de la culture gastronomique de mon pays pour une cuisine plus saine. Ce qui m’a littéralement boostée c’est le fait d’avoir remporté un concours ! J’ai participé et remporté un concours de business plan organisé par l’ADEPME, l’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises.
C’était la validation que j’attendais depuis un moment déjà, je me suis dit pour la première fois : ‘Je peux le faire’ !
Vous avez plusieurs passions, comment avez-vous trouvé votre voie ?
Je suis proche de tout ce qui est sain. A mes yeux, c’est important de manger mieux, de cuisiner mieux, de cultiver par soi-même des plantes en faisant du micro-jardinage. Cela me rapproche de la nature et me permet de me retrouver. En 2017, alors que je me sentais coincée en tant que salariée, je me suis tout simplement posée la question : ‘Comment puis-je être le plus naturel possible dans ma manière de cuisiner ?’
Tout est parti de l’expérimentation, je me suis amusée à faire mes premières recettes. Au début c’était juste de petites tambouilles qui ravissaient les papilles de mes amis et ma famille. C’est maintenu devenu Masyrah Gourmandises, une offre variée d’aides culinaires adaptées au style de vie de la femme active. C’est maintenant une entreprise qui a le potentiel d’impacter toute l’industrie du condiment au Sénégal et qui vient en aide à des populations défavorisées. Cette activité prenait tout son sens.
Comment avez-vous obtenu vos premiers clients ?
Même si mon entourage avait validé mes essais, pour moi ce n’est pas un gage de succès. Honnêtement je ne me fie pas toujours à leurs compliments. Rires. J’avais besoin de vendre au grand public donc j’ai tout simplement proposé mes condiments sur les réseaux sociaux. J’ai utilisé principalement Facebook et Instagram ou j’ai pu réaliser mes premières ventes et obtenir de très bons feedbacks sur la qualité de mes préparations.
A présent, je collabore avec des distributeurs et nos clients peuvent acheter les produits Masyrah Gourmandises dans leurs points de vente favoris.
Avez-vous essuyé des coups durs ?
Oui, j’ai traversé une période difficile tout récemment. J’ai été promue lauréate d’une initiative d’appui aux entrepreneurs très sélective. Par la suite, le partenaire n’a pas respecté ses engagements et j’ai décidé de renoncer. Il a fallu revoir toutes nos projections. Nous comptions beaucoup sur cet accompagnement pour faire évoluer l’entreprise. Je dois dire que j’ai ressenti une très grosse déception et c’est ce qui m’a aidé à me reprendre c’est de m’investir davantage dans mon autre activité.
J’en ai à présent tiré les leçons et cela ne change rien à mon ambition est tout de développer d’ici 5 ans l’entreprise et d’embaucher une dizaine de personnes.
Je pense que ma force réside dans ma résilience, savoir se relever des coups durs est important quand on entreprend.
Comment votre entourage a-t-il réagi à votre reconversion ?
C’est une bonne question. Au début, ils n’ont pas tout à fait compris ma démarche et ils se sont demandés avec inquiétude si je ne traversais par une crise, rires. Il n’est pas toujours facile de se faire comprendre lorsqu’on nourrit plusieurs passions et qu’on veut toutes les vivre, en plus d’être une maman. On pourrait se demander pourquoi se donne-t-elle tant de mal alors qu’elle pourrait avoir un mode de vie plus simple ? Personnellement, j’ai besoin de toucher à plusieurs domaines d’activités pour m’épanouir.
Je reconnais toutefois que ma famille reste mon pilier dans les moments les plus difficiles ; ils sont à mes côtés et je leur en suis très reconnaissante. D’ailleurs, j’ai créé dans la foulée Potentiel, un cabinet de conseil spécialisé en marketing des ressources humaines Potentiel. En 2020, Potentiel a donné naissance à Cultur’H, le premier magazine sénégalais dédié au capital humain. Je crois qu’avec le temps, ils acceptent davantage que j’ai choisi de tracer ma propre voix.
Comment vous organisez-vous pour combiner deux activités ?
En réalité, ce n’est pas si compliqué que cela. Masyrah Gourmandises c’est essentiellement deux activités : la production et le commercial. Il faut acheter la matière première, fabriquer des produits pour ensuite les vendre, le système est maintenant mis en place et commence à être bien rodé. Cultur’H, c’est plutôt un travail de conception. Cela me prend beaucoup plus temps d’autant plus que c’est que c’est une activité relativement nouvelle.
Pour moi être entrepreneuse c’est avoir le loisir de pouvoir passer d’une activité à une autre sans me lasser et en écoutant mon imagination pour apporter des solutions. En termes d’organisation, j’organise mes journées autour de mes priorités.
Pourquoi aimez-vous être entrepreneuse ?
D’abord pour la liberté que cela m’apporte. Mais bien sûr pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut savoir ce que l’on attend de la vie. Etant salariée, une énorme pression pesait sur mes épaules et je me sentais conditionnée.
Ensuite, j’aime particulièrement créer des produits qui apportent de la valeur aux autres, le retour de mes clients m’apporte une énorme satisfaction. J’ai le sentiment d’être utile.
Enfin, j’ai plus d’harmonie dans ma vie. Je dois dire que n’avais pas conscience du rapport que j’avais avec mes enfants quand je travaillais encore en entreprise. A présent, je suis beaucoup plus équilibrée dans ma vie de maman. Je dois dire que c’est grâce à entrepreneuriat que j’ai pu tisser un lien particulier avec ma dernière.
Quels conseils donnez-vous à une personne qui veut se reconvertir ?
Premier conseil. L’entrepreneuriat n’est pas juste une mode, c’est un mode de vie.
Il est essentiel de se connaitre et de savoir ce que l’on veut pour soi-même et pour son entreprise. Il est vraiment important, selon moi, d’avoir cette réflexion personnelle pour se construire vision claire et inspirante avant de considérer à sauter le pas.
Deuxième conseil. L’entrepreneuriat exige que vous vous investissiez pleinement, et là je ne parle pas d’argent, en fait vous allez vous engager à investir dans quelque chose qui est beaucoup plus grand que vous. C’est ce qui va vous pousser à vous dépasser et de faire face aux difficultés que vous rencontrerez en chemin.
Et puis troisième et dernier conseil. Je dirais qu’il est bon de s’inspirer d’entrepreneurs qui ont réussi. J’aime citer des entrepreneurs de chez moi. Je suis très admirative d’Ibrahima Diagne qui a créé Gainde 2000 pour sa sagesse, sa grande humilité et sa performance. Thiaba Camara Sy, fondatrice de Deloitte Sénégal et co-fondatrice du Women Investment Club, club d’investissement créé à l’initiative conjointe d’un groupe de femmes leader et de CGF Bourse est aussi un rôle modèle. Je l’apprécie tout particulièrement car elle n’a pas hésité à écouter ses aspirations et à changer de voie, elle est aussi animée par le désir de partager son expérience professionnelle avec des femmes plus jeunes.
Que retenir du parcours d’Aminata ?
- Si vous ressentez un ennui profond au travail, c’est le moment de faire un point sur vos envies de changement et de vous réinventer professionnellement
- Une reconversion ça se prépare, apprenez à mieux vous connaître, c’est essentiel et cela vous aidera dans votre cheminement pour trouver l’activité professionnelle qui vous correspond
- La clé de l’épanouissement pour les multipotentiels : ne pas être dans la norme. Ne plus chercher à rentrer dans une case va vous permettre de concilier vos différents centres d’intérêt et de vous s’épanouir en étant alignée avec ce qui vous anime
Où trouve-t-elle son inspiration ?
-Son mantra du succès : ‘Ce sont les petites rivières qui font les grands ruisseaux’.
-Le film qui l’a marqué : I Am Legend, de Francis Lawrence avec Will Smith.
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